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De lourdaud à contorsionniste : stratégies de travail et composantes du récit

Entre les ateliers d’écriture qui ont repris, la relecture de textes qu’on me soumet et mes occupations, que les saisons passent vite ! Septembre s’est déroulé comme la corde du yo-yo qu’on tire vers le bas pour le faire remonter à toute vitesse. Tiens, je me rends compte que je ne vois plus d’enfants s’amuser avec ce jouet.


La pandémie a relâché ses crocs sur nos existences. Un retour à une semi-normalité — mon conjoint est reparti travailler dans ses locaux et mon fils suit dorénavant ses cours au collège —, m’a laissé croire que je jouirais d’une plus grande liberté pour écrire. Les obstacles ne cessent toutefois de se dresser devant moi, dus aux priorités que le ça, le moi et le surmoi m’imposent.


Certaines d’entre elles se sont révélées non négociables au fil des consultations privées qui ont éclairé les obscurs recoins de mon individualité. Je ne suis certainement pas la seule à me trouver dans ce pétrin — habitée par le feu de la littérature ou toute autre forme d’art ou de passion, mais liée par les biais inconscients ainsi que par la dépendance aux rapports humains. Ni folle ni ermite, je cherche des stratégies praticables.


Malgré tous ceux qui clament l’importance de se vouer entièrement au métier sous peine de ne jamais se métamorphoser en un véritable écrivain, je m’obstine à explorer la possibilité d’y parvenir autrement. Pour compenser mon impuissance à répondre à cette exigence, je puise dans l’expérience acquise au cours de ma carrière.


Des mois de probation aux lettres de départ, des nouvelles fonctions à l’annonce de la retraite, le même processus se répète. Au début, l’employeur bienveillant délègue quelques responsabilités à la fois, puis en augmente l’ampleur suivant les planifications et des urgences, jusqu’à ce que la cadence d’exécution devienne infernale. Armé de bonne volonté, on s’ingénie à tout accomplir; un jour ou l’autre le cerveau surchauffe, négocie, paralyse ou frôle l’épuisement, et quelques fois y sombre. La métaphore de l’éléphant dans un magasin de porcelaine prend une signification différente de celle qu’on lui attribue d’ordinaire. Le pachyderme doit s’immobiliser pour ne pas tout détruire.


Après cette phase désespérante durant laquelle l’envie de se rebeller et la fatigue attachent au pied leur boulet de plomb survient une étape encourageante : on se ressaisit. La manœuvre de recul produit ses fruits; grâce à une analyse des facteurs d’échec et à l’identification des causes de maladresses apparaissent les solutions. L’habileté à se contorsionner se développe et les prouesses se matérialisent. L’éléphant se transforme en danseuse qui, soumise à des contraintes d’espace mais assidue à sa discipline, enrichit sa chorégraphie de tours d’adresse.


Leçon apprise : à défaut de chasser la frustration de ne pas disposer d’un plus vaste plancher de scène, on fait avec !


Aménagement d’un bureau, d’un agenda, politique de la porte fermée infranchissable, modification des horaires, élagage des activités, etc.


Écrire dans l’interstice.


Ne jamais abandonner.


Mon moral s’en porte mieux et je commence un quatrième projet. Les trois romans qui l’ont précédé soutenaient des objectifs distincts de celui que je médite. Le premier visait à préciser mon identité de Québécoise sur un continent qui ne me ressemble pas, le deuxième à inventer une biographie aux femmes invisibles de ma famille, le troisième à traduire en une fiction les mémoires d’un ami. Cette fois, je prévois de tout imaginer, de A à Z, autour d’une réflexion philosophique sur une possible dérive de l’humanité.


Le concept de la dystopie que je situe dans la deuxième moitié du troisième millénaire se dégage à peine du fatras de mes rêveries. Pour le moment, je confie mes idées dans un petit livre à la couverture de carton repoussé et damassé dont le motif a été emprunté au dix-septième siècle. Le contraste des époques me réjouit. Comme je ne peux pas m’y consacrer à temps plein, j’ouvre mon précieux carnet dès que l’occasion se présente et j’y consigne mes inspirations fugaces.


Partant de zéro, j’agis dans le désordre. Pour atténuer l’impression d’avancer à pas de fourmi, je construis l’histoire pièce par pièce en m’attardant aux composantes suivantes, selon mon humeur :

  • Environnements et décors

  • Faune et flore

  • Habitations et agglomérations

  • Objets

  • Modes de transport

  • Design en vogue

  • Effets produits sur les cinq sens

  • Les personnages, leurs identifiants (nom, date de naissance, lieu de résidence, nationalité, etc.), leur physique, leur personnalité, leurs valeurs, leur rôle, leurs relations (familiales, amicales, amoureuses, intéressées), leurs défis

  • Besoins de base remplis ou à satisfaire[i]

  • Vêtements

  • Nourriture

  • Langues parlées

  • Ethnies

  • Us et coutumes

  • Système éducatif

  • Soins médicaux et approches de la santé

  • Lois et règlements

  • Progrès scientifiques

  • Spiritualité

  • Productions artistiques

  • Organisations politiques

  • Économie/échanges commerciaux

  • Situation mondiale

  • La ligne de temps

  • Le narrateur

— auteur ou narrateur inventé

— présenté ou anonyme

— témoin ou actif

— possède-t-il toutes les données ou les découvre-t-il au fur et à mesure

— omniscient et omniprésent ou observateur neutre

— au Je, au Il/Elle ou au Nous


Une fois que j’aurai mis en place tout le contexte, j’aurai acquis assez d’assurance pour vivre mes fantaisies au gré de mes libérations. De cette complexité devra émerger une fable toute simple, à la portée de tous. Un beau matin, dans deux ou trois ans, peut-être…, le mammouth que je suis valsera.

[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins#/media/Fichier:Pyramide_des_besoins_de_Maslow.sv

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